« La nature sacrée chez les anciens Celtes », Georges Dottin.

Les écrivains de l’antiquité s’accordent à reconnaître la religiosité des Gaulois. Au témoignage bien connu de César qui dit que les Gaulois sont un peuple très adonné aux pratiques religieuses, il faut ajouter ceux de Tite Live et de Denys d’Halicarnasse. Les Celtes étaient les plus habiles des peuples en science augurale, et le Galate Déjotarus passait pour un augure remarquable. La divination s’exerçait par divers oiseaux, le corbeau, l’aigle ; même, chez les Bretons, par la course d’un quadrupède, le lièvre. Des oiseaux indiquent à des armées la direction qu’elles doivent suivre ; averti par le vol d’un aigle Déjotarus revient sur ses pas. Il reste encore à l’époque la plus ancienne des souvenirs du culte que l’on rendait à certains animaux. Chez les Bretons, l’oie, la poule et le lièvre sont tabous. Les Galates de Pessinonte ne mangent pas de porc. Nous avons cité plus haut le surnom de Mercurius : Moccus qui signifie cochon. On sait que le cochon sauvage, le sanglier, était l’insigne guerrier des Celtes, et qu’il figure comme tel sur l’arc de triomphe d’Orange. Nennius nous parle d’un animal merveilleux, porcus troit poursuivi par le roi Arthur dans une chasse fantastique ; c’est le twrch trwyth du roman gallois intitulé Kulhwch et Olwen, et ce porc ou ce sanglier fameux est sans doute dans la légende celtique un souvenir du temps où le porc était le symbole et le totem d’une tribu gauloise. Sur le fronton de l’autel de Reims est sculpté un rat ; le petit autel tricéphale trouvé dans la même ville est surmonté d’une tête de bélier. Nous avons déjà parlé du taureau aux trois grues, du serpent à tête de bélier et des dieux à cornes de bélier et de cerf qui ne rappellent plus que par un détail le culte primitif des animaux sacrés.

Sanglier gaulois
Le sanglier était un animal sacré chez les Gaulois, il est ici représenté sur le carnyx d’un gaulois

Comme les Romains, les Celtes cherchent à connaître l’avenir par les entrailles des victimes ; ils ajoutent foi aux indications données par les songes.

Druide sacrifice
Les anciens Celtes pratiquaient la divination.

Nous n’avons point trouvé de monument figuré qui nous attestât le culte des arbres, à moins qu’on ne regarde comme tels les deux faces de l’autel de Paris et l’autel de Trèves où sont figurés soit un arbre, soit des feuillages. Mais nous savons par Pline que le chêne rouvre est chez les Gaulois l’arbre des bois sacrés et qu’on n’accomplit aucune cérémonie sans son feuillage. Maxime de Tyr nous apprend qu’un chêne élevé est la représentation (ἄγαλμα) celtique de Zeus. Nous trouvons dans un passage de Pline que le lycopodium selago était en Gaule un préservatif contre les accidents et que le gui, que l’on appelait d’un nom qui signifie remède universel, était un remède contre les poisons et qu’il donnait la fécondité à tout animal stérile. Le gui venant sur le rouvre est extrêmement rare ; aussi le regardait-on comme envoyé du ciel. La cueillette du gui, nous dit Pline, se fait le sixième jour de la lune. Après avoir préparé selon les rites, sous l’arbre, des sacrifices et un repas, on fait approcher deux taureaux de couleur blanche dont les cornes sont attachées alors pour la première fois. Un prêtre, vêtu de blanc, monte sur l’arbre et coupe le gui avec une serpe d’or ; on le reçoit sur une saie blanche ; puis on immole les victimes en priant que le dieu rende le don qu’il a fait, propice à ceux auxquels il l’accorde. À ces plantes à vertus merveilleuses il faut encore ajouter le Samolus Valerandi remède contre la maladie des bœufs et des porcs dont la cueillette donne lieu à des procédés magiques ; il faut que celui qui le cueille soit à jeun, l’arrache de la main gauche, ne le regarde pas et ne le mette pas ailleurs que dans l’auge où on le broie. Des pratiques superstitieuses identiques ou analogues sont encore en usage dans certaines de nos campagnes.

Druide gui
Un druide coupe le gui

Les bois sacrés des Gaulois dont, au temps de Pline, le chêne rouvre était le principal élément, sont mentionnés par les auteurs de l’antiquité. Les Galates d’Asie Mineure avaient un sénat qui se réunissait pour juger les causes de meurtre dans un endroit appelé Δρυνέμετον ; or, le second terme de ce mot signifie en gaulois bois sacré. Ces bois sacrés tenaient-ils lieu de temples aux Gaulois transalpins ? On serait tenté de le croire, car César ne parle que de l’endroit consacré, in loco consecrato, où sur le territoire des Carnutes les druides s’assemblaient chaque année à époque fixe pour rendre la justice.

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Georges Dottin, 1904

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