« Nantes première ville bretonne »

Nous avons appris par nos services de renseignements que certains individus, déjà bien connus avant la guerre pour leur propagande anti-bretonne, ont repris le cours de leur peu reluisants exploits, cette fois avec une virulence proportionnée au succès magistral remporté dans notre ville par l’Heure Bretonne.

Heure Bretonne
L’Heure Bretonne, journal nationaliste breton.

Leur sale petit besogne consiste à répéter à tout venant : “Nantes n’est pas en Bretagne, les Nantais ne sont pas Bretons !”. Sans doute reçoivent-ils une grasse commission en pastilles de Vichy pour cette preuve de loyalisme français où l’on retrouve d’ailleurs l’honnêteté et l’amour de la vérité qui caractérisent la presse et la radio franco-anglaise.

Nous n’aurions pas attaché d’autre importance aux divagations de ces individus, qui ne sont d’ailleurs pas d’origine bretonne, si certains de nos amis ne nous avaient demandé de faire paraître dans l’Heure Bretonne quelques arguments précis et bons à utiliser quand on se retrouve en présence de ces audacieux réformateurs de la science géographique.

Que les Nantais soient Bretons et que Nantes soit la première ville de Bretagne, voilà qui n’est pas difficile à prouver en trois points :

  1. Point de vue historique.

Nous ne rappellerons que pour mémoire que Nantes et le Pays Nantais forment l’un des cinq départements obtenus par le dépeçage de la province de Bretagne, anciennement Nation indépendante, comme cela s’enseigne dans les classes maternelles.

Partie intégrante du royaume de Bretagne, Nantes, qui avait été détruite et conquise par les Normands au début du Xe siècle, fut reconquise en 937 par Alain Barbe-Torte, qui, par édit ducal, décida qu’elle serait sa capitale et celle de ses descendants. Nantes devait, en effet, être la résidence de tous les ducs de Bretagne. Ils la dotèrent d’un château fortifié qui arracha à Henri IV cette exclamation : “Ventre saint-gris, mes cousins de Bretagne n’étaient pas de petits compagnons !” et d’une très belle cathédrale gothique.

Pays traditionnels Bretagne
Les pays traditionnels de Bretagne, Nantes en fait évidemment partie.

Jean V y fonda une Université ; c’est à Nantes que naquit la Duchesse Anne, à Nantes qu’elle revint aussitôt après la mort de Charles VIII, à Nantes qu’elle édicta cette Charte des libertés bretonnes qui Louis XII devait ratifier lors de son mariage ; c’est à Nantes que la Duchesse Anne, Reine de France, et dont le corps devait reposer dans la crypte royale, fit porter son coeur afin, dit-elle dans ses dernières volontés, qu’il demeure en terre bretonne.

Ce furent deux députés nantais, Main et Borec, qui, en 1532, votèrent contre le rattachement à la France, montrant bien par là quelle était la fidélité du peuple nantais pour sa seule patrie.

C’est à Nantes que le duc de Mercoeur organisa la résistance de la Ligue en Bretagne. C’est à Nantes que Henri IV fit capituler Mercoeur, faisant ainsi rentrer la Bretagne dans l’obédience et anéantissant l’espoir de liberté qui avait fait battre le cœur de tant de Bretons, essai dont la réalisation coûta quelques millions de livres aux Nantais. C’est à Nantes qu’en 1721 furent exécutés Pontcallec et ses compagnons, tandis que le peuple nantais, agenouillé, pleurait et priait, seule manifestation qu’il pût se permettre, car la Régence, peu sûre des Nantais, avait fait garder l’échafaud et sillonner la ville par les soldats du régiment français venus tout exprès de leurs garnisons étrangères.

Pontcallec
Pontcallec exécuté à Nantes. Son crime ? Vouloir la Bretagne libre.

Enfin, et pour clore le point de vue historique, n’est-ce pas à Nantes que pour la seconde fois, en 1932, M. E. Herriot vint célébrer le quatrième centenaire de l’union, ce qui lui valut une réception des plus fraîches (certains d’entre nous en étaient) qui venait dignement parachever la petite réjouissance organisée à Ingrandes par Gwenn Ha Du.

  1. Point de vue ethnique et linguistique.

a) Le Pays Nantais.

Ainsi que chaque partie de la Bretagne, le Pays Nantais fut lentement envahi par l’immigration pacifique des Bretons qui s’installèrent d’abord au nord de la Loire, puis ensuite au Sud, plus tard repeuplé par les Bretons d’Alain Barbe-Torte après la défaite des Normands (1). Ces Bretons relevèrent les vieilles cités gallo-romaines et en créèrent d’autres aux noms très bretons : c’est ce qui explique le curieux mélange de noms de villes que l’on peut remarquer en pays nantais, où, à côté de noms terminés en ac et autres, l’on trouve des Guéméné-Penfao, Béré, Kastellbryen (Châteaubriant), Traon, Abbaretz, Gweran (Guérande), Poulic-gwen (Pouliguen), Koetran (Couéron), Pennbo (Paimboeuf), Corcouet, Gourmalon, Couet, Karc’hfao (Carquefou), etc…

Envahisseurs pacifiques, soldats de Nominoë, d’Erispoë, d’Alain Barbe-Torte, tous ces Bretons, fixés désormais dans le pays nantais parlaient la langue bretonne. Pourtant cette langue devait rapidement disparaître du sud de la Loire pour rendre la place à la langue romane, cependant qu’au nord du fleuve s’organisait une résistance acharnée contre la latinisation linguistique, ce qui amena le duc Alain Fergent à exiger de l’évêque de Nantes la constitution d’un archidiaconat bretonnant, connu jusqu’à nos jours sous le ,pù d’archidiaconat de la Mée, c’est-à-dire de la campagne. Cette résistance ne devait prendre fin que par la résorption des derniers îlots bretonnants de la presqu’île guérandaise, au début du siècle actuel. Les sceptiques n’ont qu’à lire dans la Revue Celtique de 1878 les articles écrits par M. Bureau, du bourg de Batz, en breton du Pays Nantais, langue très proche parente du dialecte Vannetais, quoique sensiblement plus gutturale. Exemple ce Karc’h que l’on trouve dans Karc’h Fao (Carquefou) qui n’est autre que le mot Ker.

Alain Barbetorte
Alain Barbetorte, libérateur de la Bretagne
  1. La Ville de Nantes.

Si le Pays Nantais s’était petit à petit bretonnisé, la ville de Nantes était restée en grande majorité gallo-romaine, mais les invasions normandes firent le nettoyage par le vide, et lorsque, en 937, Alain Barbe-Torte reconquit la ville, dont les habitants avaient été massacrés ou dispersés depuis 37 ans, il n’y trouva plus que des ruines couvertes de ronces. Il s’y installa et son geste fut suivi par nombre de Bretons, soit soldats de son armée, soit émigrants de tous les points de Bretagne, le centre gouvernemental ayant toujours exercé une attraction irrésistible sur les habitants d’un pays. Le noyau de Nantes, ville bretonne, était désormais assuré ; depuis lors, la population nantaise a toujours été en croissant pour atteindre de nos jours 200.000 habitants, dont la très grande majorité sont des Bretons du Pays Nantais ou venus des quatre autres départements. 

Les Bretons bretonnants forment à Nantes une importante minorité de plusieurs dizaines de mille d’individus, qui peuplent des quartiers entiers, tels que Sainte-Anne, Saint-Martin de Chantenay, une partie de Doulon et de la Madelaine. Cependant Nantes, ville économique de grande importance, devait attirer à elle un grand nombre d’étrangers : c’est ainsi qu’il s’est formé à Nantes une minorité de hors-venus composée pour une grande partie de Vendées, puis d’Angevins et de Berrichons, à qui il convient d’ajouter les véritables fonctionnaires Mocos que l’Etat français nous impose toujours. Cependant, nous sommes au regret de devoir insister sur le fait que cette minorité, à laquelle appartiennent d’ailleurs les personnes dont les racontars motivent cet article, ne peut en rien influencer la nationalité effective de la ville de Nantes.

Bretons Nantes
Les Bas-Bretons étaient nombreux à Nantes

Paris, avant la guerre, comptait parmi ses habitants plusieurs centaines de milliers d’étrangers et n’en était pas moins une ville française. Ce n’est pas parce que Saint-Denis est en majorité peuplé de Bretons que cette partie de la région parisienne doit être considérée comme bretonne.

  1. Le point de vue économique.

Au temps de l’indépendance bretonne, Nantes était une très grande ville, siège d’une Université, port important, et qui commerçait avec tout le sud de l’Europe.

Durant l’autonomie, de 1532 à 1789, Nantes devient l’un des ports les plus importants de l’ouest européen, grâce à la découverte du Nouveau Monde et à la sollicitude avec laquelle les Etats de Bretagne veillent sur son développement.

Sous la domination française, Nantes passe au dernier plan, la Basse-Loire n’est plus que l’ombre de ce qu’elle devrait être, le trafic de la “Transat” est tout entier réservé au Havre, grâce aux combinards Léon Meyer et consorts. La Suisse demande Nantes comme port franc, le gouvernement laisse traîner la chose, tant et si bien que la Suisse fait l’affaire au profit de Bordeaux, au grand dépit des Nantais, mais à la grande joie des politicards du Midi.

Port Nantes histoire
Nantes était une grande cité portuaire

Les chantiers navals ne peuvent plus travailler pour la marine de commerce, et pour cause, les contingentements ont réduit la marine de commerce française à zéro. Exemple : les morutiers. L’Etat français chante sur tous les tons que le port de Nantes devient impraticable, ce qui cause la diminution du trafic; cependant, lors de l’invasion anglaise de 1939, l’on put voir des vaisseaux britanniques d’un tonnage très respectable, venir accoster à “Wilson” ou aux “Antilles”.

Et les paludiers de la côte nantaise crèvent la faim, écrasés par la concurrence des sels de mine français ; les lois sur la viticulture favorisant, comme par hasard, le Midi, pèsent lourdement sur les viticulteurs bretons et leur Muscadet, etc…

La Bretagne de demain saura réparer tout cela, rétablir Nantes et la Basse-Loire dans une prospérité qu’elles n’auraient jamais dû ignorer, ceci en refaisant de Nantes et de Saint-Nazaire un vaste port qui centralisera les importations et exportations des lignes sud-européennes, africaines, orientales et sud-américaines. Des lois favorisant l’exploitation de notre vigne paieront nos viticulteurs des ennuis causés par M. Barthe. La mise en valeur rationnelle des marais salants redonnera l’aisance aux paludiers, etc, etc…

Gastronomie bretonne
La Bretagne est riche de ses productions alimentaires, le sel de Guérande et le Muscadet en font partie

Conclusion

Lorsque l’on va rêver, au crépuscule, devant les douves du château des Ducs ou autour de la cathédrale, l’on peut fort bien réaliser d’une façon toute affective et idéale ce que la lecture de cet exposé fait réaliser d’une façon raisonnée et positive, c’est-à-dire que les Nantais sont Bretons, “Qui qu’en groigne”, et que Nantes est une ville bretonne. Maintenant, si cet état de choses chagrine encore quelques personnes, nous nous faisons un devoir de leur indiquer que les trains franchissant la frontière d’Ingrandes fonctionnent régulièrement, et que si par hasard, elles ne pouvaient pas trouver de porteurs, nous nous ferions un plaisir de mener leurs bagages, à nos frais, en G.V., à la gare d’Orléans

À bon entendeur, salut !

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Le Comité Breton de Nantes, l’HB, 25 août 1940.

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(1) https://barr-avel.blog/2021/08/27/lheritage-breton-dans-le-sud-de-la-loire/

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